
Juliana
MATHIEU LOCAS
Avez-vous déjà lu un jugement de la Chambre de la jeunesse du Québec ? Quand le dossier passe les mailles du filet de la DPJ et se rend à l’étape du procès, ce genre de lecture n’a rien à voir avec les romans à l’eau de rose.
Je vous présente un jugement prononcé il y a plusieurs mois à Saint-Jérôme. Le dossier est sur mon bureau depuis un bout de temps mais je cherchais le bon moment pour le présenter. Avec la rentrée des classes à nos portes, il est bon de nous rappeler que certains collègues de classe de nos enfants vivent des jours difficiles. Derrière un regard fuyant, une timidité constante, des pantalons trop courts, des chandails souvent tachés du repas de la veille (quand il y a eu repas), des bouts de crayons et des tubes de colle presque vides en septembre, il se cache parfois des histoires tristes à mourir.
C’est le cas de Juliana (nom fictif) qui, au moment des événements, en est à ses balbutiements dans une école primaire de Saint-Jérôme. Il y a eu un signalement à la DPJ car la jeune fille vivait de nombreuses négligences aux niveaux éducatif, physique et de sa santé en général. L’hygiène minimale, comme avoir accès à une salle de bain adéquate, n’était même pas au rendez-vous. La bonne nouvelle, c’est que la DPJ des Laurentides a été plus rapide à réagir que celle de l’Estrie (mort de la fillette à Granby à la suite de maltraitance) pour s’assurer d’un meilleur encadrement pour Juliana.
Les parents de cette dernière étaient déjà séparés au moment du signalement. Que ce soit chez Papa ou Maman, la constance régnait en matière de consommation de drogues telles que la cocaïne, le cannabis et autres substances. Engueulades et violence physique entre les adultes font presque partie du quotidien de la petite. Ces environnements toxiques, pour ne pas dire pourris, finissent par avoir des conséquences sur Juliana. En plus d’avoir des retards dans son développement en général, elle souffre d’une forme d’incontinence.
On lui trouve une famille d’accueil. Une visite chez le médecin devient nécessaire. Même si elle débute son parcours scolaire, le doc estime déjà que la fillette a besoin de l’aide en orthophonie, audiologie, pédopsychiatrie et bien plus encore.
Pour ce qui est de visites parentales, elles sont supervisées. Le père accepte difficilement la rupture et encore plus le nouveau conjoint de son ex. Il n’est pas stable. Avec l’enfant, il est bien mais il ne peut pas lui offrir ce qu’il n’a pas. Lors des visites avec sa fille, la mère sort régulièrement de la pièce pour aller fumer. Pas facile pour un enfant en début de vie de rétablir le lien de confiance avec ses géniteurs.
Dans son jugement, le tribunal y va d’une série d’ordonnances.
D’abord, il ordonne que la Direction de la protection de la jeunesse prenne tout en charge comme les visites parentales et les rencontres avec les parents pour s’assurer qu’ils améliorent leurs habitudes de vie.
La Cour exige aussi que les parents soient sobres quand ils rencontrent leur enfant.
Le juge souhaite davantage de soins que ceux proposés par le médecin. Il ordonne donc que Juliana soit prise en charge en physiothérapie, orthophonie, pédodontie, podiatrie, audiologie, optométrie et pédopsychiatrie.
On lui souhaite le meilleur pour cette rentrée scolaire.
Même si la pandémie et le confinement n’ont pas été faciles. Parions que Juliana aurait certes apprécié un burger chaud sur la table à pique-nique dans une cour arrière contre un père et une mère qui se tirent une ligne de coke sur un bout de comptoir de cuisine.
Je demeure disponible à mathieu.locas@hotmail.com